Quantcast
Channel: Algérianie » ARTS et LETTRES
Viewing all 59 articles
Browse latest View live

Requêtes SQL


Pataouète 1933

chant pour OUHARAN

$
0
0
le massacre des inocents

le massacre des inocents

Cruel de lumière et de vie,

L’astre de nos jours

S’arrête surpris,

Car on fauche le blé de Numidie.

 

Une clameur atroce

En Ouharan s’élève,

L’humaniste enfant de Mondovi

Nous l’avait prédit,

La Peste est arrivée.

 

Jusqu’à cinq heures en Ouharan,

Ivre de sang et d’instinct

Le renard chrysoprose hurle à la colombe,

De son clavier aigu

Son chant mortel.

 

Jusqu’à cinq heures en Ouharan

Le simoun dans les oliviers

Roule les rameaux dans le sable,

Et emporte dans les pins

Les promesses des parjures.

 

Jusqu’à cinq heures en Ouharan

L’air apporte aux sirènes hideuses

Le chant du rossignol de nos veines,

Et le hennissement de la cavale blanche

Qui répand la liqueur de vie.

 

Jusqu’à cinq heures en Ouharan,

Des coquelicots naissent

Dans la poussière d’or,

Lorsque des enfants meurent

Là où des mères pleurent.

 

Jusqu’à cinq heures en Ouharan,

La sueur de neige inconnue

S’empare du peuple naïf,

Trop surpris

Qui tue dans les artères de l’âme.

 

Jusqu’à cinq heures en Ouharan,

Sous le regard de Notre Dame de Santa-Cruz

Par ses pasteurs abandonnés,

L’humain troupeau agonise

et perd, un instant, sa confiance en l’avenir.

 

Jusqu’à cinq heures en Ouharan,

La blessure brûle comme un soleil,

Déjà la gangrène arrive au loin,

Et le vent, qui soulève les suaires absents,

Porte enfin, au Monde la détresse du Peuple .

 

Alors à cinq heures précises à Ouharan

S’identifiant au Christ Martyr

Le peuple écoute respirer la mer apaisée,

Et un chœur de voix secrètes crier aux cieux 

Barka ! Basta ! Assez !

 

Oui à cinq heures précises en Ouharan,

Assez de désillusions pour perdre le paradis de Dieu,

Assez de morts pour oublier Ouharan,

Assez d’horreurs pour gagner le ciel de l’Homme,

Assez de sang pour redonner la Vie.

 

Ouharan, personne ne te connaît,

Car ils croient que tu es morte à jamais

Comme tous les morts de la Terre,

Etouffée sous le sang, étouffée sous la peur

Sans vie, sans fierté, sans honneur.

 

Ouharan, personne ne te connaît,

Nos enfants perdent ton souvenir,

Et la nature voudrait t’oublier,

Mais les défis de l’Homme Sont trop proches des cieux.

 

Ouharan, personne ne te connaît

Mais je chante pour toi les murs trop blancs,

Mais je chante pour toi la peine trop noire,

Mais je chante pour toi la tourmaline et la malachite,

Mais je chante pour toi le saphir et la turquoise…

 

Car le chant de l’Homme jamais ne s’arrête

Et porte au monde, ma Patrie perdue,

Cette lumière aveugle de vie,

Le cri d’espoir de la liberté exilée

Ouharan !Ouharan f Ouharan !

SOL 1968 07 05

Noël à Ouarzazate

$
0
0

0

Ce matin là de décembre 1974 , après une nuit passée sous une mince toile de tente, l’eau était gelée dans les tuyaux du camping.

Sous un ciel plombé l’arrivée dans l’oasis de Ouarzazate ressemblait à la visite d’un décor de péplum enfoui sous la poussière grise de l’oubli .Afin de découvrir le paysage, la montée au bordj du super-caïd s’imposait pour avoir le point de vue le plus large.

Du haut de ce promontoire, le ciel enturbanné de promesses de neiges couvrait l’antique casbah . Au pied de celle-ci la poussière recouvrait les rares cabanes et boutiques à souvenirs qui longeaient l’unique rue de ce misérable bled abandonné du Malik et des dieux. C’est sur ce serpent de poussière qu’un manège de « pijo » soulevait une brume de terre pour en faire don au ciel , telle une moderne course de chars dans l’arène .

Interloqué par cette course du bas sonorisée par les ronflements de moteurs, mais aussi par les klaxons bloqués, je me demandais ce qui avait bien pu déclencher cette évidente manifestation de joie. La poussière et le bruit faisaient songer à une burlesque fantasia, une cavalcade sans l’odeur du baroud. Me tournant vers le moghazni de garde devant l’entrée du bordj je lançais ce dialogue :

-ah si moghazni, achnou ada ? foutbol diel maghrib meziane, oula Malik i mout ?

-m’sieur gendarme que ce passe-t-il ? victoire pour le foot marocain ou le roi est mort ?

-ada ? ci nouel m’ssio !

-ça c’es Noël, m’ssieu !

Bonne année ! Bonne santé !

$
0
0

 

Le marin, la paille et l’âne -conte bonois-

En 1875, Luigi Schiafino, un marin génois, apprit que de nombreux navires de commerce partaient de Toulon vers l’Algérie.

Comme il était sans emploi, il décida de quitter sa ville natale pour tenter sa chance ailleurs en embarquant sur l’un de ces navires. Il prit un baluchon contenant ses effets personnels, toute sa fortune, et se dirigea, à pieds, vers Toulon.

Après deux semaines de marche, il arriva à Gonfaron, petit village du centre Var, situé au pied du massif des Maures, connu dans le monde entier car, selon la légende locale, en 1645, un âne aurait volé du haut de la colline sur laquelle était bâtie le vieux village et aurait atterri au fond du ravin à la grande stupéfaction des habitants. Cet exploit fut considéré comme un miracle que l’on attribua à saint Quinis, protecteur des habitants de Gonfaron. Depuis cette époque, aucun âne n’avait pu décoller du sol au grand désespoir du clergé local qui multipliait messes et incantations pour que le miracle de l’âne volant se reproduise de temps en temps afin d’attirer les touristes et surtout les pèlerins du monde entier.

Las d’implorer saint Quinis, les Gonfaronnais décidèrent de prendre leur destin en main en organisant un challenge annuel offrant une somme très importante à qui ferait voler un âne sur la place du village. Ce challenge avait lieu le dernier samedi du mois de juin et, hasard ou destinée, Luigi Schiafino était présent dans Gonfaron ce jour-là. Celui-ci se porta candidat et, après que le curé du village eut béni l’âne placé au centre de la place du village, il s’approcha lentement du quadrupède, lui souleva la queue et, d’un geste sûr, lui planta une paille dans le cul. Il invita ensuite les habitants de Gonfaron à souffler dans la paille afin de gonfler l’animal comme une baudruche.et la paille ....

Le premier souffleur fut le notaire : il inspira fortement puis lâcha d’un seul coup son air dans le rectum de l’âne qui se mit à braire de plaisir mais qui ne bougea pas d’une semelle. Le deuxième qui tenta sa chance fut le maire : il gonfla son torse et souffla dans la paille afin d’introduire tout l’air qu’il avait stocké. Mais sa tentative ne réussit qu’à faire sursauter l’animal, sans doute surpris par la tiédeur du mistral qui venait de s’engouffrer dans son arrière-train. Le troisième qui entra dans la compétition fut Luigi. Celui-ci saisit la paille et, comme il était délicat, il la retira et la retourna pour éviter de poser ses lèvres au même endroit que ses prédécesseurs. C’est alors que l’âne, ressentant que l’on venait de retourner la paille, crut qu’il devait inverser le sens du courant gazeux. Il refoula alors vers l’extérieur tout l’air injecté par nos protagonistes, suivi par d’autres gaz dont l’odeur n’avait rien de commun avec les parfums de Provence. Sous l’action de la poussée en avant créée par l’éjection des gaz, connue par les physiciens sous le nom de réaction, notre âne décolla du sol et retomba plus loin devant le regard médusé du jury.

Comme promis, Luigi Schiafino encaissa la prime et c’est en possession d’une petite fortune qu’il arriva sur le port de Toulon où mouillaient trois navires appartenant au même armateur : l’un en partance pour Alger, l’autre pour Oran et le troisième pour Bône. Fin négociateur, notre Luigi réussit à convaincre l’armateur de lui vendre un de ses navires en payant comptant avec la somme gagnée à Gonfaron. Et c’est ainsi que Luigi Schiafino devint propriétaire du navire de commerce en partance pour Bône. Quelques mois plus tard, les bénéfices récoltés lors des transports de marchandises entre Toulon et Bône étaient si conséquents qu’il put s’acheter un deuxième navire. En moins de deux ans, Luigi fit l’acquisition d’une véritable flottille et devint ainsi le plus riche armateur d’Algérie.

Quand il séjournait à Bône, il ne manquait jamais de raconter, en bas la marine, le fabuleux exploit de l’âne volant qui avait été à l’origine de sa fortune. Mais, comme chacun sait, le téléphone bônois, contrairement au téléphone acoustique, a la propriété d’amplifier voire de déformer les mots. Aussi, le fait qu’un homme fût devenu riche en mettant une paille dans le cul d’un âne se transforma-t-il vite en rumeur attestant que la fortune souriait à ceux qui avaient une paille au cul. C’est pourquoi, depuis cette époque, les Bônois utilisent une expression consacrée pour présenter leurs vœux aux personnes qu’ils estiment.

Cette expression, vous la connaissez sûrement puisqu’il s’agit de : bonne année, bonne santé, la paille au cul pour toute l’année. 

René VENTO 

CARNAVAL ORAN 1925

$
0
0

Oran 1922 carnavalLes fêtes de Carnaval ont toujours été des plus réussies à Oran.

Cette année-ci, malheureusement, elles ont été, en partie, contrariées par les subites sautes d’humeur de dame Nature. Samedi, durant les dernières heures de la nuit, d’abondantes averses transformèrent les rues de notre cité en de véritables cloaques de boue  liquide. Le dimanche, débuta pluvieux, incertain. Le jour d’un gris sale, se leva tard, comme un vieux rentier et .le soleil, capricieux, ne parut que par intervalles. Toutefois, petit à petit, les principales artères prirent leur air guilleret des dimanches de fête.

Boulevards du Lycée et Seguin, Place Yillebois-Mareuil et rue d’Arzew, les marchands de confettis et de serpentins, installaient leurs légers baraquements et leurs éventaires, profitant d’une soudaine éclaircie, réconfortante ainsi qu’un féminin sourire. Enfin, vers midi, le soleil, las de nous faire grise mine, accorda la douceur de ses rayons joyeux. Le froid très vif rougissait davantage les frais minois de nos gentes Oranaises, délicatement fardées, avivant les regards enjôleurs jaillis d’entre les fourrures de skunks ou d’opossum. L’après-midi, malgré le vent un peu vif, la théorie des véhicules plus ou moins bien décorés, et les nombreuses frasques qui ne pouvaient se payer le luxe d’une calèche ou d’un taxi défilèrent dans les principales rues d’Oran, entre deux haies de chaises garnies de spectateurs et de mignonnes spectatrices. La gaité, saine et fraiche, brillait en tous les yeux. Cette première journée, fut assez animée sans, toutefois, égaler les fêtes des années précédentes.

Très peu de chars et de groupes artistiques. Tous, ou presque, sacrifiaient au dieu du jour; j’ai nommé la Publicité. Citons seulement le beau char de la maison Vila – où se trémoussaient de jolies personnes-, celui de l’anis Diamant aux personnages déjà remarqués l’année dernière -soldat d’opérette espagnole- . Le soir la foule des masques où se perdaient quelques gens non déguisés assaillit les dancings organisés un peu partout : au Régent, au Continental, au Palais de la Danse à l’Alhambra, que sais-je encore ? ; Lundi, le vent se mit de la partie, un vent très froid, qui tailladait la peau du visage. Cela n’empêcha pas nos concitoyens de rivaliser d’entrain, quoique les groupes déguisés et les véhicules parés fussent moins nombreux que la veille. Pour une deuxième journée de fêtes, elle ne fut pas trop mal réussie. Mardi, le soleil se leva dans un ciel sans nuages, nous promettant une belle après midi, En effet le ciel redevenant aussi azuré qu’à l’ordinaire incita les masques à sortir plus nombreux, tels les escargots qui après la pluie, dressent vers le soleil leurs molles antennes. Et la bataille commença. Les serpentins zigzaguèrent dans l’espace lancés des balcons, bondés de gentes demoiselles ou des véhicules joliment décorés. Et les confettis, lancés à brûle-pourpoint, saupoudrèrent les souples chevelures des promeneuses et leurs toilettes claires.

Quelques masques isolés donnèrent la note comique, cependant que ces couples richement travestis témoignaient de leur goût artistique .Remarqués parmi ceux-ci deux charmants petits pages très XV ième siècle. Ce fut une belle et bonne journée, trop courte, hélas !

Les boulevards conservèrent leur animation jusqu’à fort tard dans la nuit. Dans tous les bals il y avait foule et les jeunes et même les pas tout à fait vieux, s’en donnèrent à cœur joie, pour ne se réparer qu’à l’aube naissante. Combien d’idylles ébauchées avec la complicité du loup de velours ! Que de drames poignants soigneusement cachés sous le rictus des visages fardés ! Qu’est-ce que l’existence, d’ailleurs ? Une éternelle mascarade, un infernal Carnaval où chacun trompe tout le monde : parents, voisins, amis et inconnus.

Chacun porte son masque que nous n’ôterons que le jour où sonnera j’heure de la Justice. Amusez-vous, jeunes gens ! Ne songez pas que ces fêtes sont le symbole de notre vie ici bas ! Aujourd’hui, vous avez déposé dans un tiroir votre masque de satin noir. A vos épaules pèse à nouveau le joug de l’existence. Gardez au moins le doux souvenir de ces, quelques journées de plaisir, qui vous ont  permis d’oublier les soucis quotidiens.

Le saut du cheval du khalife .

$
0
0

1897 le rocher de Ste Clotilde

1897 le rocher de Ste Clotilde

1837 route d'Oran à Mers-el-kébir

1837 route d’Oran à Mers-el-kébir

salto del cavallo 1757

salto del cavallo 1757

« La tragique histoire du khalife Tachefine »

Tachefine-Ibn-Ali sortit d’ORAN , disent les chroniques, par une nuit obscure pour échapper à la  surveillance d’Abd-el-Moumèn. Il  était monté sur sa belle jument Rikhawa rapide « comme le vent » ayant en croupe une de ses femmes qui avait toujours été la compagne de ses fatigues et de ses dangers ; il se dirigeait vers Mers-el-Kébir où un bâtiment l’attendait pour le transporter en Espagne ; mais il n’échappa point à la vigilance des gardes. Découvert par les sentinelles du camp almohade, il aima mieux mourir que de tomber vivant entre les mains de ses ennemis, et il se précipita du haut d’un rocher escarpé. Le lendemain, son corps, celui de sa femme Aziza et celui de sa jument furent trouvés sanglants et déchirés au bord de la mer.

Du côté de la mer, un sentier contourne les contreforts de Santa-Cruz. C’était ce chemin qui, lorsque la route moderne n’existait pas encore, mettait en communication Oran avec la rade de Mers-el-Kébir et, vraisemblablement, c’est celui que suivit le Khalife almoravide pendant la nuit fatale où il trouva la mort. En effet, ce chemin qui, depuis la construction de la route est à peu près abandonné, offre encore, en quelques endroits, une largeur suffisante pour que deux cavaliers puissent s’y croiser ou chevaucher de front; anciennement, quand il était plus fréquenté, cette largeur devait être la même sur tout son parcours et, comme il reste horizontal, contournant le mont d’Aïdour jusqu’au village de Sainte Clotilde où il arrive par un ravin dans lequel il descend brusquement, c’était agir témérairement, il est vrai, mais non follement, que de le parcourir au galop. Poursuivi par les Almohades, Tachefine n’avait plus que cette chance de salut et, malgré l’obscurité de la nuit, malgré le précieux fardeau qu’il portait en croupe, il se décida à la tenter. Toutefois le sort ne lui fut pas favorable . Avant d’atteindre le ravin par où il descend à Ste Clotilde et puis au rivage, le chemin côtoie, en corniche des falaises à pic dont le pied baigne dans la mer ; la route moderne passe en bas, de façon que, dans l’état actuel, les corps de ceux qui seraient précipités d’en haut n’atteindraient probablement plus le rivage mais tomberaient sur la chaussée, d’où, peut-être ils rebondiraient encore, cependant, jusque dans la mer ; autrefois, le rocher descendait en ligne droite et à peu près perpendiculaire du sommet à la base et, si la légende est vraie, c’est dans cet abîme que l’on nomme salto del cavallo, le saut du cheval, que furent précipités le Khalife, son épouse Aziza et leur monture qui était la jument favorite de Tachefine.

En Algérie.par G. de Lombay,…1893     

CAMUS Albert -terrorisme en Algérie-

$
0
0

« Les noces sanglantes du terrorisme et de la répression « 

Le dernier terrorisme auquel Camus eut affaire fut celui perpétré par les fellagas (1954-1962).

L’auteur, décédé dans un accident de voiture en janvier 1960, ne connut pas la fin du conflit.

Né en Algérie de parents Pieds-Noirs fort pauvres, farouchement attaché à sa terre et à la diversité des communautés (arabe, kabyle, juive, pieds-noirs) qui la composaient, Camus militait activement et incessamment depuis ses vingt ans la mise en place d’une plus grande justice politique, sociale et économique en Algérie française. En juin 1939, il publia notamment dans Alger républicain une série de onze longs articles dénonçant la famine et le dénuement dont souffraient les Kabyles et appelant à des réformes urgentes.

Quand le terrorisme éclata en 1954, Camus se refusa à soutenir le FLN. Il craignait, à juste titre,  que la victoire de ce parti ne conduisît à l’avènement d’ « une Algérie reliée à un empire d’Islam qui ne réaliserait à l’intention des peuples arabes qu’une addition de misères et de souffrances » et qui exclurait les Pieds-Noirs de son sol. Lui défendait la constitution d’une fédération où les populations multiples d’Algérie vivraient ensemble sans qu’aucune n’en soit bannie pour des raisons ethniques ou religieuses.

Aussi Camus récusa-t-il autant le FLN qui recourait au terrorisme que l’État français ou les « ultras ». Ses articles et éditoriaux de cette période, de même qu’un appel à la trêve civile lancé au péril de sa vie à Alger en janvier 1956, enjoignent les deux camps à mettre fin à une violence mortelle, à ses yeux contagieuse et inacceptable. Cette violence révolte l’écrivain parce que, chez les uns, elle prend pour cible des civils innocents et que, chez les autres, elle remplace la justice par la force répressive. Lui veut interrompre « les noces sanglantes du terrorisme et de la répression » et leur substituer le dialogue.

Avec assiduité, et ce même après l’échec de son appel à la trêve et l’adoption d’une réserve certaine, il appelle à l’établissement d’une société pleinement démocratique, notamment avec la publication des Chroniques algériennes (1958) .

Il s’engage aussi pour sauver des vies. À titre privé, il intervient à maintes reprises pour demander la grâce de membres du FLN condamnés à mort dont il n’approuve pourtant pas les actes terroristes.

Ces actes lui inspirent un dégoût profond lorsqu’ils sont synonymes du meurtre « de femmes et d’enfants », de populations innocentes.

 


the ORAN massacre

$
0
0
the Oran massacre

le massacre d’ORAN

july 05 1962

les yaouleds patriotes

$
0
0

 

YAOULEDS

YAOULEDS

Il pouvait être 9 heures du soir, ce lundi 3 aout 1914 , les derniers accents de la retraite militaire, le roulement des tambours, les sonorités des clairons et les sons nasillards de la nouba venaient de s’éteindre vers les casernes lointaines, quand une rumeur grossissante parvint jusqu’à la terrasse de la brasserie où j’étais attablé avec quelques camarades, humant le frais et discutant sur les événements. Comme elle venait vers nous, nous nous levâmes, pour aller voir au coin du boulevard ce qui pouvait bien la motiver. Et une singulière et touchante manifestation se déroula sous nos yeux.

C’étaient les petits cireurs indigènes pas plus hauts qu’une botte, les petits biskris, ces yaouleds dont une boîte en bois blanc renfermant quelques brosses constitue tout le fonds social, qui s’étaient réunis dans les hauts quartiers en un turbulent meeting. J’ignore ce qu’on y a voté, mais à l’issue de cette grave réunion, les manifestants défilaient maintenant, quatre par quatre, derrière le drapeau corporatif constitué par trois chiffons tricolores noués ensemble (le syndicat n’est pas riche). Et tous, brûlant du désir de combattre pour la noble cause, mais ne pouvant -  hélas -  devenir tirailleurs ou spahis, dévalaient vers le port en chantant :

 Li drapeau de la France, Qui si qui rend li cœur joyeux !

Et longtemps après, dans la soirée, comme je regagnais ma petite villa de Miramar, sise sur la falaise dominant la rade  d’Oran où s’entassent maintenant, en vue du prochain départ des troupes, les cargos et les paquebots de toutes dimensions, les chants des petits cireurs acclamant la France montaient jusqu’à moi. Aux cieux, le croissant argenté de la lune, symbole de l’islam, affectait un profil quasi humain qui semblait sourire malicieusement. Sans doute souriait-elle, Phébé, à la pensée du grand soulèvement musulman dont rêvait, peut-être à cette heure, le kaiser. 

Henry d’Estre

20 Aout 1955 EL HALIA le massacre

$
0
0

EL HALIA  le massacre 20 aout 1955  JF GALEA

EL HALIA
le massacre
20 aout 1955
JF GALEA

Zirout Youssef, responsable FLN du Nord Constantinois, décide de lancer, le 20 août à midi, une attaque généralisée contre 40 localités, afin de venir en aide aux rebelles de l’Aurès qui sont aux prises avec les paras de Ducournau. Il dispose d’à peine 200 hommes armés qui devront soulever la population, laquelle ne s’engage pas dans la révolution. 12 000 musulmans sont mobilisés. Les objectifs de Zirout sont de récupérer de l’armement, d’éliminer les pro-français, et de provoquer des représailles irréparables. Ses propagandistes affirment que l’armée de Nasser et les Américains soutiennent ce soulèvement raciste. Dans la plupart des localités, les djounoud restent en retrait et poussent en avant les femmes et les enfants.

L’action la plus importante vise Philippeville, ville de 70.000 habitants, où des masses de civils, manifestement drogués, avancent dans les rues sans se soucier de lourdes pertes. L’armée et la police sont en effet alertées et bloquent brutalement les manifestants. En revanche, la mine d’El Halia et le village d’Ain Abid ne sont pas protégés, et les Européens y subissent d’horribles atrocités [1]. Le bilan, minutieusement vérifié, est de 133 Français d’Algérie [2], 53 militaires et policiers, et 36 Français-musulmans dont le neveu de Ferhat Abbas. La répression militaire aurait fait 700 morts le 20 août, et les vengeances de civils plus de 2000 tués les jours suivants (et non les 12000 revendiqués par le FLN).

Les conséquences de ce soulèvement sont tragiques : « C’est la guerre, il faut la faire », déclare le gouverneur Soustelle, qui abandonne l’idée d’une politique libérale [3].  La fracture entre les communautés s’aggrave, elle donne naissance au contre-terrorisme de certains Européens [4] .Sans être exactement une répétition des massacres du 8 mai 1945, ces violences préfigurent celles de la guerre civile des années 1990.

Notes [1] On peut citer 21 enfants dont les têtes sont écrasées contre les murs, et le témoignage de ce rebelle, qui après avoir égorgé une femme, mange le poisson qu’elle avait préparé. [2] Roger Vétillard publie les noms de 51 victimes européennes. [3] Cette déclaration dément la légende de ceux qui prétendent qu’on a attendu la loi de 1999 pour reconnaître la réalité de la guerre d’Algérie. Un Comité de guerre interministériel s’est réuni à Constantine en juillet 1957. [4] Le terrorisme FLN a précédé le contre-terrorisme. Il n’a pas attendu l’attentat de la rue de Thèbes en août 1956 pour utiliser les explosifs. [5] dans « Algérie, 20 août 1955 » (Payot 2011) C. Mauss-Copeaux se réfère à un faux témoin d’el Halia et attribue au général Faivre un curriculum fantaisiste. Les films de la Fox Movietone sont des montages que certains présentateurs situent en 1945, sans en montrer les incohérences.

Roger Vétillard. 20 août 1955 dans le nord-constantinois. Un tournant dans la guerre d’Algérie. Préface de Guy Pervillé. Ed. Riveneuve, 2012, 351 pages, 20 euros. Originaire de Sétif, le docteur Vétillard, après avoir renouvelé l’histoire du 8 mai 1945, a fait une étude très approfondie sur les massacres du 20 août 1955, à partir de documents inédits de la ville de Philippeville, des archives de la gendarmerie et de l’armée, et des témoignages de 53 Français et 11 Algériens, dont 5 anciens de l’ALN. Guy Pervillé met en lumière l’objectivité historique de l’auteur, qui met à mal les erreurs grossières de Claude Mauss-Copeaux-5-, et la présentation tendancieuse des films de la Fox Moviétone. Cet ouvrage montre que des travaux rigoureux peuvent réviser des idées reçues.

 

CAGAYOUS

$
0
0

cagayous 1895 10

Parlez-vous CAGAYOUS ou PATAOUETE ?

On ne saurait dire que Cagayous, de Musette, soit une nouveauté, puisque la publication de ces récits remonte à quelques années, du moins pour les premiers.

Sous le pseudonyme de Musette se dissimulait un journaliste algérien, de son vrai nom Auguste Robinet, mort en 1930 .A partir de 1894, il publia chaque semaine une brochure à dix centimes qui relatait les mots, les hauts faits et la vie anecdotiques de Cagayous. Sous ce nom, Musette avait eu l’idée d’incarner le Gavroche issu de la mêlée des races, du mélange des sangs propre au terroir d’Alger.

Le vocabulaire et la syntaxe de Cagayous représentent un singulier mélange d’argot, d’italien, d’espagnol, d’arabe, de maltais .Quant à son esprit, ce n’est pas une composite bouillabaisse de polissonnerie, de vilaines farces et de mystifications .L’ amour de la bataille voisine en lui avec le bon sens populaire, la probité; la bonhomie, et la finesse. L’ensemble de l’œuvre n’est pas négligeable, puisque la Faculté de lettres d’Alger, dit le Temps du 24 juillet 1931, en prépare une édition intégrale, avec notes et glossaires.

M Gabriel Audisio a choisi les histoires les plus caractéristiques, il y a joint une remarquable préface et des notes.  C’est le volume que l’on nous présente aujourd’hui et qui se recommande surtout par son intérêt documentaire.

Revue des lectures 1931

ORAN novembre 1904

$
0
0
ORAN 1904

ORAN 1904

ORAN 6 novembre 1904

Voici passé avec les premiers frimas, le jour solennel, que la tradition a consacré à la fête des morts. Nombreuses sont les familles qui ont au cimetière un caveau, ou une simple tombe, et dès l’aube, rougissant de ses premières lueurs les vieux murs, la longue procession ,de parents ou d’amis ,s’achemine sur la route poussiéreuse, portant des gerbes de fleurs.

Ici les conversations changent de ton, le bruit des pas s’étouffe, on craindrait de troubler la solitude de ce champ de repos. A l’intérieur, les cyprès touffus, alignés en longues files, le partagent en différentes avenues, bordées de chapelles qui dressent leur sévère architecture à côté de marbres, revêtus d’inscriptions endeuillées.

Plus loin, une infinité de petites tombes, toutes blanches, systématiquement placées, fait involontairement songer à un cimetière de poupées. Hélas ! Ce sont les tout petits, ceux dont les paupières n’ont fait que s’entrouvrir aux rêves de la vie et qui dorment là, bercés par la chanson du vent.

……………..Mais aujourd’hui, les tombes vont se parer comme par enchantement, la terre va se couvrir des fleurs, que de pieuses mains auront, déposées, et la pierre froide, sous la profusion des chrysanthèmes inclinant leurs longs pétales, paraîtra moins triste aux yeux. Puis, les frimas viendront, les fleurs se faneront lentement, une à une, sous les rayons d’un pâle soleil, et dans Tamashouët endormi, la statue d u silence, veillera seule à la porte des caveaux.

Près de la porte d’entrée, un modeste logis attira mes regards. Avisant un vieillard assis sur un escabeau, je m’approchai et, par sympathie naturelle, je l’interrogeai sur ses occupations près de ce lieu de tristesse.

— Monsieur, me répondit-il, je passe mon temps là, tranquillement, à entretenir les tombes que quelques âmes charitables ont bien voulu me confier, et je ne suis guère dérangé que par l’entrée des convois funèbres qui arrivent de temps à autre.

— Vos clients ? Hasardai-je.

Le vieux sourit tristement, et comme je le pressai, il me confia qu’il occupait ses loisirs à élever des lapins et son grand bras étendu fauchant vers le cimetière, m’indiquait que le trèfle et la luzerne ne manquaient point parla. Ainsi donc, pensai-je en m’en allant, voici un vrai sage, vieillissant avec sérénité, ayant pour témoins de ses peines et pour seuls confidents, ces marbres étalant leur lividité à perte de vue, et, qui pense, sans nul doute, que tout est pour le mieux dans la meilleure des nécropoles.

Et j’eus alors l’envie folle de revenir, de lui confier comme un dépôt sacré, une tombe, dans un coin, à l’ombre d’un grand cyprès, ornée de plantes toujours vertes et où je pourrais enfin, voyageur arrivé au terme de la vie, étendre mes membres harassés et m’endormir dans l’éternité.

SlMBAD

tout , tout , tout , vous saurez tout sur le ..COUSCOUS

$
0
0

couscous -irrieraCOUSCOUSSOU 1879

Les habitants de l’Afrique septentrionale comprennent généralement sous cette dénomination toute espèce de mets composé de farine blanche ou brune et cuit à la vapeur dans le keskass, qui est un vase semblable à une écuelle, dont le fond serait criblé d’une infinité de trous. Quant à moi, je pense que le vocable couscoussou est une onomatopée, dont les lettres et les syllabes n’ont pas d’autre rôle que d’imiter le bruit produit par la vapeur du bouillon qui passe à travers les trous du récipient et les grumeaux de la farine.

En Kabylie, on dit Seksou. Mais, par une déviation qui ne s’explique pas les gens de l’Oued Righ ont adopté le terme gouni, emprunté au fonds berbère. Le fabricant ou vendeur de cousscoussou s’appelle Kesaksi, au féminin Kesaksia.

Préparation du couscoussou. Dès que la récolte est rentrée, les femmes des tribus réunissent en un lieu découvert et isolé la quantité de blé dur destinée à la provision de couscoussou. Ce blé est d’abord mouillé complètement, puis étalé au soleil et recouvert d’étoffes très humides. Au bout de quelques heures, le grain ayant bien renflé, et sans attendre que la germination commence, on l’étend en couches minces au soleil sur des haïks de laine ou sur une aire battue. Lorsque la dessiccation est assez avancée, on passe le grain entre deux meules légères de calcaire dur. La meule supérieure est mue à bras, ordinairement par une femme; les grains sont seulement concassés en fragments gros comme du millet. On expose encore au soleil celte sorte de gruau brut, et alors il suffit de le vanner pour éliminer les pellicules. Puis on l’ensache dans des outres en peau de chèvre.

 La meule à bras est le meuble indispensable de chaque famille. Il se compose de deux meules de grès, ayant un diamètre de 40cm. La meule dormante repose sur le sol ; sa face supérieure est plane et percée, en son milieu, d’un trou de 4cm, qui reçoit un axe vertical en bois de 30cm. La meule tournante, qui se pose sur la première, a la forme d’un tronc de cône; elle est évidée en son milieu, à sa partie supérieure, de manière à donner passage à l’axe en bois de la meule inférieure. Une cheville en bois, fixée dans celte meule et formant avec le plan horizontal un angle de 40°, sert à la mettre en mouvement. Une ou deux femmes, assises sur le sol et ayant le moulin entre les jambes, fournissent la force motrice. (La Kabylie, par Hanoteau et Letourneux,)

 

 

Quand il s’agit de préparer un couscoussou pour le repas du soir, les femmes prennent du gruau ou de la semoule, les jettent par poignées successives dans un large plat de bois, qu’on appelle gueçaa, les arrosent avec quelques gouttes d’eau, et les roulent légèrement avec la paume de la main, jusqu’à ce qu’elles aient obtenu une espèce de granulation qui reçoit différents noms suivant sa grosseur.

 La berboucha, suivant la coutume des habitants de Constantine, se fait avec de la farine brune, notamment avec celle de l’orge. C’est le couscoussou le plus commun, el il forme presque exclusivement la nourriture des ménages pauvres. Comme légumes, on y ajoute le navet, la courge et l’artichaut sauvage (el chorchef –esp. alcachofa-), dont les nervures foliales sont mangées cuites dans le bouillon.

La mehamsa, en chaouïa timhamest, est une espèce de couscoussou fait ordinairement de farine d’orge grossièrement moulue; elle peut être mise sur le même rang que la berboucha.

 Le medjebour est préparé avec de la semoule tirée de la première qualité du froment, ou avec de la farine de moulure française. Les grains de ce couscoussou doivent avoir la grosseur du plomb de chasse. On l’accommode avec de la viande d’agneau, des poules, des pigeons ou des perdrix. Après celle opération on le fait cuire deux fois dans le keskass au bain-marie .On y ajoute du beurre fondu au moment de le servir dans la metsireda - plat en bois sur pied ou en poterie dans les villes. On l’arrose de bouillon (merga).

 Le mahwèr se fait avec les mêmes ingrédients que le medjebour, seulement  le grain en est plus menu. Le mahwèr le plus estimé est celui qu’on appelle nemli, parce qu’il ressemble par la ténuité de ses parcelles à des têtes de fourmi (nemla). Il peut être accommodé avec des viandes fraîches, mais jamais avec du khrelie ou du kaddide. Le khrelie est un mets composé de viande de bœuf ou de mouton, coupée en lanières, qu’on laisse mariner dans la saumure avec du poivre rouge, de l’ail et de la coriandre, et qu’on fait frire dans un bain d’huile ou de graisse. La kaddide répond à ce que nous appelons le petit-salé, mais traité plus grossièrement.

Le harache-fi-harache est ainsi nommé parce qu’il se compose de fleur de froment très fine (semid). Il ne diffère réellement du précédent que par la différence du mot. En Kabylie, la préférence est accordée, par économie, à la farine de sorgho et. à la farine de glands. On l’apprête avec des viandes fraîches, quelquefois même du kaddide ou du khrelie; son assaisonnement ordinaire consiste en oignon, sel, poivre rouge, courge, pois chiches et boulettes de viande hachée, grosses comme des balles de fusil. La sauce est colorée en rouge avec des tomates.

 Le mesfoufe se fait avec la première qualité de froment. On le laisse cuire de là même manière que tous les autres couscoussous; seulement on y mêle des grains de raisin sec ou des grains de grenade, et on le saupoudre d’une neige de sucre. Lorsque, pour le rendre plus délicat, on le noie de lait frais, il prend le nom de berboukha.

Le mecheroub n’est généralement pas très estimé. Lorsqu’à la suite de pluies abondantes l’eau a pénétré dans les silos, et qu’elle a atteint le blé qu’ils contiennent, ce blé s’imbibe (ichérob) et contracte en même temps un goût acre et une odeur nauséabonde. Après l’avoir tiré du silo, on le fait sécher, on le mout, et c’est de la farine qui en provient que l’on fait le mecheroub.

Le mezeüt .Parmi les silos il y en a dont la terre est bonne, cl lorsqu’on en extrait le blé qui y a séjourné deux ans ou davantage, sans avoir été jamais touché par l’eau, on détache des parois de la cavité une substance que les indigènes appellent mezeût, espèce de croule huileuse, produite par un peu d’humidité que la terre communique nécessairement au grain qu’elle renferme. Celte croûte affecte une couleur bleuâtre, et le goût en est légèrement sucré. On la transforme en medjebour. A entendre les Arabes, c’est un mets exquis, le plat des amis. Le couscoussou de mezeût s’apprête avec du beurre frais et de la viande d’agneau.

Le aïche ressemble à de là soupe au riz, avec cette différence cependant que les grumeaux du couscoussou remplacent les grains de riz. Il n’est pas rare qu’on fasse bouillir dans cette espèce de potage des abricots secs, qui sont désignés  le dialecte barbaresque par le mol fermas, issu probablement de l’adjectif latin firmus.

 Le farik tire son nom du premier froment tendre, que l’on cueille avant la moisson, et dont on fait durcir et griller les épis au four. C’est une primeur offerte au propriétaire par les laboureurs, et les actions de grâce n’y manquent pas. Les champs de Bou-farik, un des plus beaux villages de la Mitidja, avaient la renommée de fournir le farik pour la table du pacha d’Alger.

A Bougie, dit M. Ch. Brosselard, le savant explorateur des dialectes berbères, on appelle le couscoussou de qualité supérieure Keskessou-el-hourat, «le couscoussou  des houris » digne d’être mangé en Paradis.

  1. A.   CIIERBONNEAU.

Noche buena en Oran 1906

$
0
0

 

chateau-neuf , port , marine

chateau-neuf , port , marine

Oran, el 24 12 1906

Amigo mio

Boilà la fête de la Noche Buena qui s’en vient à peu à peu, et les mognatos avec les châtaignes arrosti y vont zoumber avec la mousique de la sambomba ! Que té paresse comparé ?

Tu tiens que de me donner l’espérance qué ton papa on te dessera une permission pour la journée de la nuit pour que tu t’enviens par ici, pourquoi là-bas à la Meletta on doit être aborecido pour signalait comme nous autres la fiesta de Navidad.

Alors tu tiens que de te débrouiller la calahéra pour sa que je t’a dit un peu plus par en haut, et tu voira quel pancha de rigolade. A les 12 de la nuit, vamos avec une patouléra de fadrinas (demoiselles) à la missa del gallo (minuit) et tu tiens pas peur d’atchoutcher et les ramponchons y manque pas et après de là on s’en va faire l’armée à la Posada del Sol et mou chopons une fouméra menua pourquoi l’anisette y manque pas, et après vinga toucher la sérénata pour toute les colléga que tu tiens à la connaissance. El amigo Carganéra y vient avec la mandouria, Gambasino et Lagagna avec le laoute et la guitare. Si tu connais un qui touche le pito, tu lui dis qui vient, tché que staffa.

 Allé adieu, espéro repuosta à lo que te dicho.

F. RAYANO.

NB tout ceci est écrit en tchapourao naturel de 1906


CONSTANTINE février 1909

$
0
0

Constantine février 1909

Constantine février 1909

Aïssaouas

Constantine ce soir, dans une zaouïa décorée de grossières arabesques quelques lampes en cuivre ciselé descendent des poutres peintes et jettent une vive clarté sur les tapis qui recouvrent le sol. Des arabes sont accroupis en cercle; au milieu d’eux un marabout en burnous rouge accueille les nouveaux arrivants et reçoit leur accolade, le baiser sur l’épaule, selon le rite musulman. Une douzaine d’autres arabes se tiennent debout en face d’eux. Le hasard m’avait emmené dans une de ces mystérieuses zaouïas où les aïssaouas exécutent leur jonglerie.

 

Après m’être débarrassé de mes chaussures, je vins m’asseoir à côté du marabout. Quand je lui eus dit que j’étais toubib (médecin), il me combla d’attentions, bien que roumi. Mais les exercices des aïssaouas commençaient. On récite d’abord la prière en commun. Puis les aïssaouas la répètent seuls, et bientôt ils ne répètent plus que le mot: Allah! Allah! C’est la manière d’être le plus agréable à Dieu que de prononcer son nom. Ils se tiennent enlacés sous les bras, et se balancent d’une façon rythmée tantôt d’avant en arrière, tantôt de gauche à droite, avec les yeux vagues, saillants, le front couvert de sueur, répétant indéfiniment le nom d’Allah, jusqu’à ce qu’il ne sorte plus de leur poitrine qu’un son rauque et inintelligible. C’est une première préparation par la prière, et je n’exagère pas en disant que cela dura près de deux heures.

 

Alors les musiciens entrent en scène, forment un demi-cercle face aux aïssaouas. Ils portent d’immenses tambourins qu’ils ont soin de chauffer préalablement sur des fourneaux pour mieux les tendre et donner plus d’intensité au son. Ils entonnent un chant rythmé et monotone qu’ils accompagnent en frappant à grands coups sur leurs tambourins. Ce bruit assourdissant d’abord, finit par vous envelopper, vous entraîner, vous donner une sorte de vertige contre lequel il faut réellement se raidir. Cette seconde préparation dure environ une demi-heure.

 

A ce moment un ou plusieurs des aïssaouas se détachent du groupe et s’avancent un peu vers les spectateurs. Ils se défont de tous leurs vêtements et gardent seulement leur pantalon. Leur corps ruisselle de sueur, leurs yeux sont hagards; ils ont l’air ivres et poussent des rugissements de fauves. Ils viennent alors exposer leur tête au-dessus des réchauds sur lesquels on projette des matières odorantes, particulièrement du benjoin. Les musiciens élèvent leurs tambourins au-dessus de la tête de l’aïssaoua et l’enveloppent de cette musique étrange dont ils accélèrent graduellement le rythme. Alors le corps penché en avant, l’aïssaoua se met à incliner la tête par un mouvement impossible à décrire. Il semble que les vertèbres de son cou n’existent pas et que la tête lancée en l’air par un ressort retombe devant les épaules par son propre poids, pour être de nouveau rejetée en l’air ou de côté et recommencer sa course.

 

Cette préparation est la dernière. L’aïssaoua est devenu complètement insensible. Il peut impunément braver la douleur qui n’est plus pour lui qu’un vain mot, une volupté même. Pendant que ses compagnons poussent des cris rauques, les yeux presque complètement hors de l’orbite et que les musiciens accélèrent encore leur musique assourdissante, il commence ses exercices qui, à ses yeux de croyant, doivent le rendre agréable et infiniment cher à Dieu. Il mange des feuilles de cactus, mâche des étoupes enflammées. On lui présente un scorpion rendu inoffensif par la destruction du dard venimeux; il l’avale avec forces grimaces; il en fait autant ensuite d’un petit serpent et d’un jeune poussin qu’il ingurgite tout vivant, avec les plumes, le tout pour la plus grande gloire d’Allah et pour mériter son paradis peuplé de blanches houris. Un autre aïssaoua vient de se détacher du groupe des hurleurs. Après avoir agité sa tête au-dessus du réchaud où brûlent les parfums, il se met à mâcher du verre pilé, puis, saisissant de longues aiguilles acérées, il s’en traverse la langue, les joues, les narines, sans faire couler une seule goutte de sang. D’autres encore viennent s’hypnotiser au-dessus des réchauds. L’un lèche une barre de fer rouge et la frappe à coups redoublés de sa main moite de sueur ou de salive; un autre se couche sur la lame tranchante d’un sabre; un autre s’enfonce un poignard sous la paupière et fait saillir complètement le globe de l’œil; un autre se fait courir sur le thorax une masse armée de grandes pointes ou bien se fait enserrer le corps par une corde sur laquelle ses camarades se mettent à tirer, le réduisant ainsi à sa plus simple expression.

Cette cérémonie religieuse ne dura pas moins de quatre heures.

 

Dr Emile Laurent in Les annales de la santé, février 1909.

 

PATAOUETE et SABIR : voeux 2016

$
0
0
bounne anni

bounne anni

A ceuss’

 

des lagagnossos, des mocossos, qui’allaient s’taper le bain,

qui s’mangeaient cocas, man’tecaoss, rollicoss, monass y makrouds,

qui s’tapaient les brochettes à Cap Falcon,

qui tapaient cinq, aux buveurs d’anisette, ac’ la kémia

qui allaient de Kristel à Aïn el turck,

 

des tragalapas menteurs comme des voleurs

qui ont fait le bras donneur,

qui trichaient sans arrêt au tchic-tchic,

qui s’vantaient d’leur gros cigar’ de Mascara,

qui tapaient la brisca,

qui jouaient aux pignols, au pitchac, à bourro flaco

qui ont fait, les pôv’, figa ou tchoufa

que quand ils partaient on aurait dit qui revenaient,

 

de Gambetta ou de Saintugène,

des écoles Ardaillon, Lamoricière

de notre beau pays d’avant,

 

A touss le bonheur, et qu’la santé ell’ vous laisse pas tomber !

 

Ac’une bonne calbote amicale!

 

A.Daptascione

 

Chars de CARNAVAL -Alger 1925-

$
0
0

Parmi les tramées des serpentins et sous la pluie des confettis multicolores, sous l’amoncellement des fleurs, là-bas, se dresse le Grand Char.

Ce doit être quelque gracieux cygne blanc au col courbe et aux ailes déployées pour un dernier essor…. Est-il donc peuplé de ces petits anges qui jettent des ruissellements de couleurs douces ?… Ou quelque jolie japonaise y tient-elle quelque minuscule ombrelle qui entre ses longs doigts ? Ils sont si mignons leurs petits gestes, menus comme leurs petits pas trottinant. Elles ont une mimique si amusante lorsqu’elles prennent leur air boudeur en penchant leur tête coiffée d’un haut chignon piqué d’épingles ciselées !…

Est-ce quelque Espagnole aux yeux fuyants ondulant son corps souple qui attire comme un serpent délicieux ?…

N’est-ce pas quelque pimpante parisienne, une de ces « derniers cri » qui dansent au son des musiques à cordes, une de ces parisiennes pas méchantes, aimant parfois jusqu’à la volupté de la mort et qui ont un rire et un décolleté uniques au monde ?….

Ce doit être une Algérienne dans son Bassour. Sa longue figure est voilée. Et, ses grands yeux perdus dans l’or de ses paradis quittés, elle rêve aux clapotements réguliers des jets d’eaux dans les coupés fleuris de jasmins et à son mirage lointain dans les sables gris, quand le ciel est presque noir….

C’est plutôt une Vénitienne !…. Venise, Venise, que tes canaux où les gondoles chancellent sont glissants !… Comme les promenades sur tes ondes doivent être délicieuses et combien de mots légers chuchotent les loups de velours sous le reflet de la lune rieuse ?….

Mais non, je « La » vois… C’est la Romaine du Temps de l’Amour !… Voici sa galère triomphale qui glisse sur une immense mer de velours… Les rames ont le reflet de la nacre et son sillon laisse une traînée qui n’est qu’un voile de vestale…. Voici les joueurs de sistres et les calasiris dés courtisanes…. Et voilà la Romaine… Un jeune Ephèbe la prend à la taille… Elle ondule, elle échappe et lui la poursuit…. Elle entre sous les portiques de marbre parmi les coupes vermeilles de l’orgie finissante… et lui approche… il est là…. il la tient et sa peau est glissante et parfumée. Ses longs cheveux se déplient sur ses épaules. Ses bras d’argile ont des formes de statue. Et, dans le soir étouffant, comme Rome s’endort sur ses terrasses plates, la petite Romaine s’est donnée sur les coussins moelleux gonflés avec de la barbe de chardon, au jeune noble à la toge blanche, fort comme Héraclès et frêle comme ces laits doux à la peau que les riches matrones glissent sur leurs seins gonflés et sous leurs aisselles tièdes !…

Ecroulement de cymbales et de cuivres…. Réalité , banalité , ce n’est qu’un maigre Corso fleuri….

« Eh ! Dis donc toi, qu’est-ce que tu regardes ?…. »

C’est la question d’une bande de pierrots qui m’entourent dans un frou-frou de soie froissée…

Inutile de dire que, la réponse, je ne l’ai jamais faite..; Pourquoi ? Oh ! Non ce n’est pas par dignité pour ne pas « étaler » mon cœur comme le voulait Leconte de Liste… mais simplement parce que j’avais des confettis plein la bouche.

M. C.

pierrot

pierrot

PASSION du CHRIST et Alger 26 mars 1962

$
0
0

En ce temps de carême, et alors que nous approchons de la célébration de la passion de notre Seigneur, nous sommes invités à découvrir à quel point, par son incarnation, le Christ est venu épouser la condition humaine. Homme parmi les hommes, il s’est chargé de toutes leurs souffrances pour leur apporter le salut et la vie éternelle. Toute l’histoire humaine est prise en compte par ce Dieu fait homme qui, en naissant à Bethléem et en mourant sur le Calvaire à Jérusalem, a manifesté à tout homme un amour sans limite.

 

Or, pour nous Pieds-Noirs, au plus fort de la tourmente,  dans le combat ô combien inégal qui nous laissait seuls face à tous, on aurait pu croire que même Dieu s’était détourné de nous. Jamais, au grand jamais il n’en fût ainsi. Dieu notre rocher, Dieu notre salut ne nous a pas abandonné, et c’est en Lui, en Lui seul que nous voulons enraciner notre espérance. Mais encore, faut-il accepter de suivre le Christ en chacun des pas qu’Il a posé durant sa vie terrestre. Alors, aujourd’hui,  en priant pour les victimes du 26 Mars 1962 et pour toutes les victimes de la Guerre d’Algérie, méditons  sur cette présence du Christ tout au long de l’histoire du petit peuple des Pieds-Noirs.

…………………..

L’histoire de l’Algérie Française va se dessiner sur un métier à tisser dont les fils vont être tirés de l’au-delà de la méditerranée. Des hommes et des femmes venus de France, d’Italie, d’Espagne, de Malte, d’Allemagne, d’Alsace, d’Irlande  ont reçu l’annonce d’un pays à construire, d’une terre à conquérir. Souvent poussés par la misère ou par la guerre, ils vont quitter leur terre natale dans l’espérance de bâtir une nouvelle vie, avec pour seule arme le courage que donne la foi.  Ils vont se livrer à cette terre inconnue et, bientôt, ils vont l’aimer, lui sacrifiant tout dans la sueur, le sang et les larmes.

 

Marie accepte de participer au projet de Dieu. Au cœur de la nuit de Bethléem va naître cet enfant qu’elle appellera Jésus –ce qui veut dire « Dieu sauve »-  L’enfant-Dieu ne va pas naître comme les puissants de ce monde entourés de faste, de sécurité, de gloire humaine. Non, Jésus va naître dans une étable, car lorsque Joseph et Marie arrivent à Bethléem  il n’y a plus de place pour eux. Et ce sont les plus pauvres, ces marginaux que sont les bergers qui sont invités par les anges à reconnaître en cet enfant l’infini de Dieu.

 

Ce sont aussi les pauvres, les exilés qui vont faire naître l’Algérie, à force de travail, d’abnégation, de sueur et de larmes. Peu à peu vont naître ici et là des ilots d’humanité sur une terre hostile, de petits villages qui vont donner vie à des contrées sauvages. Et puis il y a la rencontre entre les différentes composantes de la population européenne et celle du pays qu’elle soit arabe ou berbère. Chacune s’enrichit de l’autre ; les différences ne sont pas fatalement des obstacles mais participent  à la naissance d’un nouveau peuple, d’une nouvelle race. A travers la naissance de ce nouveau pays, il y a aussi la résurrection de l’Eglise d’Afrique du Nord, celle des grands saints comme St. Augustin, Ste. Monique, St. Cyprien, Ste. Félicité et Ste Perpétue… et tant d’autres, tous berbères.

 

Israël attendait le Messie promis par Dieu. Tout le pays était dans l’attente fiévreuse du sauveur  et pourtant il n’a pas été reconnu. Le monde ne veut pas de la vérité proclamée par Jésus. Une vérité implacable, qui ne peut s’accommoder d’aucune espèce de combine ou d’arrangement. Mais les hommes qui ont en charge la conduite du peuple d’Israël n’acceptent pas la vérité. Jésus dérange, Jésus révèle la face cachée des âmes. Alors ses ennemis vont intriguer, comploter dans l’ombre, abuser de la faiblesse du peuple, lui mentir le manipuler pour le détacher de Celui en qui, le jour de son entrée triomphale à Jérusalem, ils reconnaissent le Messie, le Sauveur d’Israël. Les lâches vont agir dans l’ombre. Le moment venu, grâce à la trahison de Judas, ils s’empareront de Jésus pour le faire condamner après une mascarade de procès.

 

L’Algérie Française a connu la trahison. Des pharisiens et des scribes qui sont d’un autre temps mais qui ressurgissent toujours dans l’histoire de l’humanité pour accomplir les œuvres les plus basses, veulent sa mort. Tous les moyens sont alors bons pour abattre celui qui ne veut pas plier. Le terrorisme qui durant des années va tout faire pour creuser irrémédiablement un fossé entre les deux communautés ; le terrorisme dont les victimes sont aussi bien européennes qu’arabes ou kabyles à partir du moment où elles s’opposent à l’abandon de l’Algérie Française.

 

Jérusalem : Jésus est donc arrêté. Il faut maintenant qu’il soit condamné et surtout qu’il soit réduit au silence. Surtout qu’Il ne parle plus. Et la meilleure façon pour y arriver c’est de le tuer.

 

1962, l’Algérie connaît des journées terrifiantes, notre petit peuple lutte de toutes ses forces. Chaque jour des dizaines de victimes tombent dans les rues, dans les campagnes.  Cette résistance devient insupportable au pouvoir qui a décidé de se parjurer et d’abandonner coûte que coûte cette terre. On négocie avec les égorgeurs. Le quartier de Bab-el-oued à Alger est encerclé, mitraillé, bombardé. Des habitants sont abattus à bout portant. Interdiction d’évacuer les blessés ni les morts. Une manifestation pacifique de soutien se met en place.

 

Jérusalem : Jésus est humilié, flagellé, couronné d’épines, il faut le discréditer aux yeux de tous. Le mensonge, la veulerie, la lâcheté obtiendront la condamnation à mort de l’innocent. On va donc charger Jésus de sa Croix. Cette foule qui l’avait, quelques jours auparavant, accueilli dans la liesse et l’exaltation, va maintenant se retourner contre Lui, l’insulter, lui cracher au visage. Jésus est seul face à tous, soutenu par Marie sa Mère dont le cœur est transpercé par le glaive de douleur prophétisé par le vieillard Siméon. Presque tous ses disciples ont fui. Pierre L’a même renié.

 

Alger : Le pouvoir décide de frapper un grand coup. Un piège est tendu à ceux qui veulent témoigner de leur solidarité avec les assiégés de Bab el Oued. Arrivés devant la Grande Poste  et au commencement de la Rue d’Isly, les manifestants désarmés ne se doutent pas qu’ils sont pris dans une véritable nasse. Les fusils mitrailleurs ouvrent le feu, des dizaines de personnes tombent à terre. Le feu continue longtemps malgré les cris et les appels au secours. Puis le silence. Des corps, nombreux,  restent étendus sur le macadam. Certains regroupés comme pour former une rosace funèbre.

 

Jérusalem : Jésus, dépouillé de ses vêtements, a été cloué sur la Croix. Il invoque son Père : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

 

Alger : Des cris montent vers le ciel. La stupeur, l’incompréhension. Pourquoi mon Dieu, pourquoi ? Les survivants errent, hagards, abattus.  Ce jour-là, l’Algérie a été assassinée.

 

Jérusalem : Du haut de sa Croix, Jésus confie sa Mère à Jean le disciple bien-aimé. Puis s’adressant à Marie : « Femme, voici ton fils ». Il lève alors son regard vers le ciel et implore : « Père, pardonne-leur. Ils ne savent pas ce qu’ils font. »

 

Alger : Du haut de la colline qui domine Alger, Notre Dame d’Afrique pleure sur ses enfants martyrs.

 

Jérusalem : Rapidement, avant que ne commence le sabbat, Jésus doit être descendu de la Croix.  Marie le reçoit dans ses bras. Ses amis le prennent et le dépose dans un tombeau.

 

Alger : les victimes du 26 Mars sont amenées dans des hôpitaux, dans des morgues. Les familles cherchent les leurs parmi les cadavres nus, déposés à même le sol. La raison défaille, les cœurs cessent de battre, la douleur est sans nom !

 

Jérusalem : Un coup de lance inutile a transpercé le cœur de Jésus alors qu’Il a rendu son esprit à son Père.

 

Algérie : Un coup de lance inutile est asséné à ce pays martyr le 5 juillet à Oran. Des milliers de victimes.

 

Les exécutions de Degueldre, Piegt, Dovecar et Bastien-Thiry, elles aussi inutiles ; « il »aurait pu les épargner.

 

« PERE, PARDONNE-LEUR. ILS NE SAVENT PAS CE QU’ILS FONT ! »                                                                   

Père Jean-Yves MOLINAS

26 mars 2012

26 mars

26 mars

La MOUNA de Belabbès

$
0
0
lundi de paques à Oran en 1873

lundi de paques à Oran en 1873

Lundi notre ville avait perdu sa gaieté, son entrain. Les rues étaient désertes, presque tous les magasins fermés. Dès l’aube des groupes nombreux de piétons et des voitures rapides sillonnaient les rues dans toutes les directions et gagnaient la campagne. Ce mouvement inusité, cette émigration nouvelle m’intriguait, et comme dit la chanson :

Je ne suis pas curieux

Mais je voulais savoir,

Pourquoi dans d’autres lieux

Ils fuyaient jusqu’au soir.

Je demandai donc le pourquoi de la chose. L’Espagnol, que j’interrogeai, me  toisa des pieds à la tête et me regarda absolument comme un Marseillais de Marseille auquel j’aurais demandé le chemin de la Cannebière ; puis il se mit à rire, d’un de ces rires francs et sonores. « Allez à la campagne », me dit-il, et vous verrez :

C’est la Mouna !

La Mouna ! La Mouna ! À deux heures je franchissais la porte d’Oran.

Je marchais guidé par le hasard. Mais je ne tardai pas à rencontrer une jeunesse – et une belle jeunesse s. v. p., coté des dames surtout – qui prenait ses ébats sur l’herbette fleurie. Les rives de la Mekerra étaient bordées de groupes animés, où régnait la gaieté la plus cordiale, la plus franche. Ça et là, au son d’une musique, peut-être un peu trop agreste, il est vrai, on polkait, on valsait avec un entrain endiablé. Les couples se pressaient et plus d’un baiser, en cachette de la maman, se donnait furtif. Je me croyais à Auteuil à Mabille ou au Point-du-jour. Comme à Robinson, il y avait du bon vin, de la verdure, du soleil et des roses. Tout était en fête, partout des visages heureux, partout des sourires. Ces grands yeux noyés d’Andalouses, ces corsages trop ou trop peu ouverts, ces mouchoirs aux couleurs voyantes, encadrant ces fines tètes au profil si régulier, si pur, tout cela me charmait, m’enthousiasmait.

Du premier coup, la Mouna m’avait conquis.

Mais d’où venait-elle cette fête ? Avait-elle pris naissance dans quelque fait biblique ou mythologique ? Etait-ce le résultat d’un vœu national, religieusement observé chaque année? N’était-ce pas plutôt un simple effet du hasard, une vieille coutume les enfants apprennent de leurs pères pour la léguer ensuite à leurs petits-neveux ?

Je consultai à mon retour pas mal de vieux conteurs – on dirait chroniqueurs aujourd’hui –  de la péninsule Ibérique, et parmi les nombreuses légendes de cette Mouna, il en est une qui me parut assez bizarre, sinon vraisemblable. La voici :

« Vers la fin du XVIème siècle, au milieu des gorges de la Sierra-Nevada et non loin de Grenade, se dressait un vaste monastère. La discipline y était rude, et la férule de l’abbé gouverneur impitoyable.

Les moines, prisonniers plus ou moins volontaires, étaient si mécontents, si malheureux, qu’ils souhaitaient la mort de leur supérieur. Mais les idées libérales étaient encore enfouies dans le chaos du néant, et ces hommes de Dieu étaient incapables d’une  révolution même pacifique.

La nature vint à leur aide et un beau jour, un vendredi-saint – quelle coïncidence ! – la mort frappa le tyranneau.

Le couvent retentit de cris et de plaintes, absolument comme s’il se fût agi d’un mort aimé, et les moines, en égrenant leur chapelet, suivirent à sa dernière demeure, avec une feinte douleur, celui qu’ils avaient envoyé tant de fois… au fond des enfers.

Les derniers devoirs une fois rendus, la joie éclata folle, délirante ; on dit même que quelques religieux, des jeunes sans doute, esquissèrent à deux pas de la tombe de leur ancien seigneur et maître, un grand écart parfaitement réussi. .

La longue file des moines s’en allait cahin-caha en se dirigeant vers un monastère de saintes religieuses, à la porte duquel elle s’arrêta. Le plus ancien frappa à là porte et la sœur tourière vint ouvrir en souriant à tous.

Une délégation fut envoyée auprès de la supérieure pour lui expliquer le but de cette visite inattendue et si nombreuse. « On voulait s’amuser un brin, fêter l’heureuse mort et on invitait ces dames ». Après bien des hésitations et de longs pourparlers, (car il paraît qu’on y mit des formes, l’invitation fût acceptée.

Alors, du monastère sortirent deux longues files de capuchons gris et de cornettes blanches.

En gens pratiques les bons moines avaient eu le soin de dépêcher un des leurs au couvent pour en ramener des victuailles, des provisions de toutes sortes et de ce vin d’Espagne. qui devait faire d’eux de nouveaux Noé.

On s’amusa ferme, tellement même que les habitants d’alentour étonnés de ce spectacle d’un nouveau genre, accoururent en foule pour jouir du coup d’œil.

Mais la chose fit dit bruit et arriva aux oreilles du Pape. On parla de l’a réunion d’un concile, des foudres de l’Eglise; en fin.de compte, on se contenta d’envoyer les coupables dans divers couvents de la Péninsule.

Cette dispersion aux quatre coins de l’Espagne des moines et des nonnes, donna à la fête un renom universel et un attrait de plus, celui du fruit défendu.

Une fois cloîtrés dans leur nouvelle prison, ils contèrent la chose  à leurs confrères, qui à leur tour voulurent fêter l’Anniversaire. Le public s’en mêla, et chaque année le lundi de Pâques, c’était entre civils et… religieux, une fête de famille, une sauterie intime.

Le temps a passé et avec lui les moines et les couvents mais la coutume est restée d’aller faire la Mouna le lundi de Pâques, alors que la nature renaît et que dans les ombrages nouveaux l’oiseau chante sa première chanson. «

Telle est une des nombreuses légendes qui circulent sur l’origine de la Mouna.

Si non vero, bene trovato !

La Mouna a été célébrée lundi par la colonie Espagnole et aussi par les Français avec un entrain merveilleux et les valses et les polkas avaient certainement autant de vie que 1es farandoles dansées par les religieux et religieuses de la légende.

Les rives de la Mekerra refléteront longtemps encore les doux moments et les folles joies de lundi. Puissent-elles en conserver les petits secrets !

BEL-ABBÈS, LE 13 AVRIL 1887

Viewing all 59 articles
Browse latest View live




Latest Images